Sommet de Malabo : Les coups d’Etat et les changements constitutionnels divisent l’Union Africaine

► Les deux sommets des chefs d’Etat africains, tenu du 25 au 28 mai 2022 finissent en queue de poisson. Ceci, sans cérémonie de clôture.

 

Afrique54.net | Malabo – Les cérémonies de clôture permettant la lecture des résolutions finales, lors des récents sommets de l’UA, n’ont pas eu lieu. Au cœur de cette situation, une mésentente autour d’un sujet tant évité par la plupart des chefs d’Etat africains. Selon une information de l’AFP, une importante déclaration commune rédigée, mais méconnue, se rapportant à la lutte contre le terrorisme et aux changements anticonstitutionnels du pouvoir, est la raison pour laquelle les chefs d’Etats et leurs représentants n’ont pas pu s’exprimer d’une même voix.

En effet, les sujets autour des changements répétés de constitutions, par certains présidents africains, sont un angle épineux qui suscite toujours des guerres au sein de nombreux gouvernements. En fait, selon des sources médiatiques de la Guinée-Équatoriale, c’est ce qui a entraîné la cause de ce malaise.

De plus, la prise de parole du président de la commission de l’Union africaine a été de l’huile sur le feu. Il accuse les juntes militaires de se cacher derrière la présence de poussées néocolonialistes et divers prétextes dans leur pays pour prendre le pouvoir par la force des armes. « Cessons de regarder ailleurs lorsque les pratiques politiques de nos États heurtent les règles et les principes de la gouvernance vertueuse que nous avons unanimement adoptée », ajoute-t-il. Des sortie qui semble être de trop pour bon nombre de chefs d’Etat qui semblent s’éterniser au pouvoir et ainsi multiplient des stratégies pour y demeurer.

 

 

 

 

La cause des mécontents de certains dirigeants

Il faut noter que depuis l’an 2000, l’Afrique a enregistré environ 15 projets dans le but de changer la Constitution, afin de se maintenir au pouvoir. Cela indique à quel point le sujet est préoccupant. C’est en ce sens que la question a été abordé aux sommets. Une question qui semble ne pas avoir plu à bon nombre.

Or, depuis des années le continent en souffre. En mai 2015, l’Afrique enregistre un nouvel épisode dramatique de sa vie politique : un coup d’Etat manqué au Burundi, causant une vingtaine de morts selon Rapport Amnesty International. La cause de ce nouveau coup d’état est la validation de la candidature du Président sortant Pierre Nkurunziza par le Conseil constitutionnel pour briguer un troisième mandat.

Ce malgré la limitation par la Constitution du nombre de mandats. Quelques mois, plutôt, au Burkina Faso, le Président Blaise Compaoré était contraint à l’exil dans sa 28e année d’exercice du pouvoir en raison du dépôt à l’Assemblée nationale du projet de loi visant à modifier l’article sur la limitation du nombre de mandats, lui ouvrant la voie à un cinquième mandat.

Des épisodes comparables ont été enregistrés au Togo en 2002 et au Tchad en 2004. Dans certains pays comme le Nigeria en 2006, et la Zambie en 2001, les tentatives de modification de l’article sur la limitation du nombre de mandats ont échoué. Contrairement à d’autres pays, ou les tentatives de modification, sont actuellement envisagées comme en République démocratique du Congo, avec cependant une issue incertaine.

 

 

Suprématie au travers de la Constitution

Dans le contexte africain, le changement constitutionnel visant l’article sur la limitation du nombre de mandats dépend des rapports de force entre la coalition gouvernementale et l’opposition. Le groupe dont le pouvoir a augmenté au cours du temps demande une renégociation constitutionnelle. Le changement constitutionnel est ainsi le résultat d’un jeu de négociation dans lequel un nombre variable de groupes d’intérêt participent. Toutefois, seuls les groupes puissants participent au processus de négociation. Le pouvoir de négociation d’un groupe est déterminé par sa capacité et sa volonté d’infliger des coups aux autres, et de réduire ainsi les gains sociaux.

Des changements qui pour l’ensemble des populations africaines n’avancent en rien leurs Etats, mais sont cause de conflits. « L’initiative du changement constitutionnel pour se maintenir au pouvoir a très peu de défenseurs sur le continent. Ce sont souvent les partisans du pouvoir qui justifient cette action en prétendant que ceux qu’ils défendent ont réalisé de bonnes performances », pense le politologue Jean-Didier Boukongou.

Selon des analystes politiques, le fait d’introduire ce sujet à l’UA, est tout à fait normal. Cependant, « il était accusateur ». Accusateur dans ce sens que les sommets se tenaient dans un Etat ayant déjà assisté à une modification et qui jusqu’ici fait débat. Il faut relever que, selon des sources proches, le président voudrait introduire son fils à la tête de l’Etat. Une information qui n’a pas encore été vérifiée, mais qui suscite beaucoup d’intérêt pour la Guinée-Équatoriale et l’Afrique en général.

Impacts du changement constitutionnel

Les conséquences des changements constitutionnels de l’article sur la limitation du nombre de mandats, comme celles des tentatives avortées de ce changement, peuvent s’évaluer sur les plans social, économique et politique dans les pays en question.

En République démocratique du Congo où les manœuvres pour modifier l’article sur le nombre de mandats sont en cours depuis 2014, on dénombre 42 morts, des blessés graves et d’importants dégâts matériels (selon la Fédération Internationale des Droits de l’Homme au Congo).

 

 

Au Burkina Faso, la tentative manquée de Blaise Compaoré en octobre 2014 a conduit à la mort d’au moins trois personnes, à l’incendie du siège de l’Assemblée nationale et à de nombreux dégâts matériels dans le pays.

Au Cameroun, durant la période du changement de l’article sur la limitation du nombre de mandats du Président en 2008, on a décompté une centaine de morts (selon le Rapport de l’Observatoire National des Droits de l’Homme 2008-2010).

Notons que ce processus de changement de l’article sur la limitation du nombre de mandats entraîne, à court ou long terme, la dégradation de la qualité des institutions politiques. Aussi, il affecte directement la crédibilité des États en termes d’environnement juridique qui constitue un déterminant important d’attraction des investissements directs étrangers.

 

 

Sans toutefois passer par un exposé universitaire, l’on comprend, selon le politologue Bayand Albert, que « les chefs d’État africains sont loin d’abandonner cette habitude de changer la Constitution lorsque cela les arrangent. Un état, qui se traduit clairement avec un départ sans au revoir de plusieurs chefs d’État. Ceci, parce qu’indexé. Ainsi, ils ne comptent pas arrêter d’aussi tôt leur projet ».

Pour M.Faki, « les changements anticonstitutionnels de gouvernements, inversent les priorités de développement ». Bien plus, il condamne sévèrement le retour en force de coups d’Etat militaires en Afrique. Mais il a aussi fustigé les « coups d’Etats rampants que constituent, entre autres, les modifications de constitutions aux fins de confiscation du pouvoir ».

Pour le président en exercice, certains sont d’avis, non sans raison, que ces pratiques constituent des sources de contestation et d’instabilité qui bloquent toute possibilité d’alternance et débouchent sur des coups d’Etats militaires ou des révoltes, dans certains cas avec un soutien manifestement populaire.

 

© Afrique54.net |Joël Godjé Mana, Yaoundé

 

 

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