Commandement territorial féminin au Cameroun : Un rêve réalité et parsemé d’embûches

 

La sous-préfète Mireille Sandrine Rachele Ngo Mbey, épouse et mère, tient la dragée haute à quelques regards misogynes dans l’arrondissement d’Ebebda qu’elle administre depuis le 10 juin 2020.

 

 

Afrique54.net |Femme de poigne, de caractère et de détermination, bon nombre de ses promotionnaires se souviennent encore de son obsession pour intégrer l’administration territoriale durant sa formation de 2012 à 2014 au sein de l’Ecole Nationale d’Administration et de Magistrature (ENAM).

Mireille Sandrine Ngo Mbey va ainsi connaître une ascension fulgurante dans ce prestigieux corps, 5 ans après sa sortie de l’ENAM. Bien avant le terrain, elle aura été tour à tour cadre d’appui et chargée d’étude numéro 2 à la cellule des requêtes et du contentieux au Ministère de l’Administration Territoriale. De plus, dans sa vie personnelle, elle a aussi été la première de sa fratrie à entrer dans cette prestigieuse école. Mais tout cela n’a été rendu possible que par de nombreuses luttes dans sa vie.

« Quand j’étais plus jeune, j’ai voulu être commissaire de police ou magistrat, mais mon père me trouvait très rigoureuse et me disait qu’il ne pensait pas que ces métiers étaient liés à ma personnalité. J’ai rêvé d’un travail qui m’offrait de la proximité avec les populations et j’ai réalisé ce rêve d’enfant en intégrant ce prestigieux corps qui est celui du commandement territorial », explique la sous-préfète. « Etre au commandement territorial est l’accomplissement de toute une vie. Gérer les problèmes, régler les litiges, trouver des solutions aux problèmes de nos valeureuses populations est une grande tâche qui pour ma personne façonne en moi la vision que j’ai de la vie au quotidien », renchérit-elle.

Mireille Sandrine Ngo Mbey n’est donc pas de nature à lâcher prise face aux vicissitudes de la vie. Les combats, elle les connaît depuis son jeune âge, car à l’école au milieu des garçons, il fallait s’affirmer pour s’en sortir. Elle qui s’est toujours positionnée comme défenseur de la justice, l’équité, l’acceptation de l’autre, la tolérance, la patience et l’empathie. Des valeurs sur lesquelles repose le leitmotiv de la vision de cette étoile montante de la territoriale.

« J’ai choisi l’administration territoriale par conviction. Ce fut un choix mûrement réfléchi. Je me souviens que dans ma promotion, j’étais pratiquement la seule à vouloir faire ce métier. Et à chaque fois que l’on m’interrogeait sur le pourquoi de ce choix ? Je répondais que je suis une femme de terrain, qui aime la proximité avec les populations, car je veux toucher du doigt la réalité des choses », affirme-t-elle avec un sourire radieux.

Déjà en formation, au milieu de ses promotionnaires de sexe masculin, certains avaient du mal à accepter qu’une femme les dépasse, la jeune femme a toujours su faire appel à deux choses qu’elle avait apprises et intégrées. Un physique et un mental fort.

 

 

Même si la formation était extrêmement dure et exigeante, elle n’a pas souvent connu de discrimination avec ses formateurs, bien au contraire ces derniers l’encourageaient. Dès le début, l’esprit d’équipe a été très fort entre tous les promotionnaires, esprit d’équipe qui s’est poursuivi puisque depuis la fin de la formation en 2014, ils sont tous restés en contact et la promotion se réunit une fois par an.

Cependant, la situation sur le terrain s’est avérée bien différente. Lors de ses affectations à différents postes de commandement à Ayos et à Ebebda, Mireille Sandrine Ngo Mbey avoue avoir été victime de harcèlement sous diverses facettes. Elle parle des hommes qui ne veulent pas voir leurs collègues femmes évoluer, et des collaborateurs qui refusent de se soumettre à l’autorité d’une femme.

« Notre lot quotidien en tant que femme, c’est être confronté chaque jour aux comportements misogynes des hommes. Dans ma jeune carrière, pas un jour ne passe sans que je ne me heurte à ce phénomène. Il n’est pas facile pour les femmes de se frayer une place auprès de nos confrères de sexe masculin. On vous dit en permanence que les femmes n’ont pas de place ici, que leur place est à la cuisine. A cela généralement, s’ajoute le harcèlement, la diffamation, et bien d’autres griefs dévalorisant et dégradant. Malgré cela, je reste focus sur mon travail. Je ne me laisse pas abattre pour autant », souligne-t-elle d’un ton déterminé, le visage et le point serrés.

 

 

 

Aujourd’hui, cette amazone administrateur civil est à son deuxième poste comme représentante du président de la République, après un passage à l’administration centrale. Dans l’arrondissement d’Ebebda, localité située dans la région du Centre, avec plus de 30.000 habitants où Michelle Sandrine administre depuis 4 ans, après un passage à Ayos, on dit d’elle qu’elle est une femme de poigne.

« Je remercie le chef de l’Etat son Excellence Paul Biya à qui nous devons tout. C’est grâce à lui que nous pouvons aujourd’hui nous mouvoir dans la société », Selon la sous-préfète, les femmes peuvent être un atout pour la société et de différentes manières. « Vous verrez que nous excellons dans tous les corps de métier. Plus rien n’est impossible à la femme, surtout lorsque le travail bien fait est au centre de ses préoccupations », confie Sandrine Ngo Mbey.

Au 08 mars 2024, l’administration territoriale au Cameroun compte 418 préfets et sous-préfets confondus. Sur les 58 préfets, 3,44 % sont des femmes, tandis que sur les 360 sous-préfets, le nombre de femmes n’est que de 4, 44 %. Du travail reste donc à faire pour atteindre le quota minimum de 30 %, imposé par la législation nationale.

 

© Afrique54.net |Thierry Eba

 

 

 

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