Cryptomonnaie : L’adoption d’une loi par la RCA fait problème au droit financier de la Cemac”]

Pendant que les partisans de l’adoption de la cryptomonnaie par la Centrafrique critiquent  Abbas Mahamat Tolli qui  est contre la décision de la RCA, le Dr Stéphane Willy ZOGO, dans son analyse de la question dégage l’impact qu’elle cause en zone Cemac, prédit  un conflit de compétences entre l’Agence Nationale de Régulation de Transaction Électronique et la Commission de Surveillance du Marché Financier de l’Afrique Centrale.

 

 

Afrique54.net | Yaoundé – Après l’adoption de la loi sur l’utilisation de la cryptomonnaie en République Centrafricaine, le 29 avril 2022, les autorités de la Banque des États de l’Afrique Centrale (Beac) ont vite fait de réagir, suite à une note du gouverneur de la Beac, Abbas Mahamat Tolli adressée à Hervé NDOBA, ministre centrafricain des Finances et du Budget, Président en exercice du Comité Ministériel de I’UMAC.

L’on peut lire dans cette note que, « La Convention, régissant I’UMAC, dispose en effet, à son article 6, que  l’unité monétaire légale des Etats membres de l’Union est le Franc CFA. Dans ces conditions, la loi centrafricaine régissant la cryptomonnaie a un impact négatif substantiel sur cette règle fondamentale de l’Union Monétaire de l’Afrique Centrale, en ce qu’elle consacre la cryptomonnaie comme une monnaie officielle, destinée à dénouer les transactions entre tous agents économiques. Cette loi donne à penser qu’elle a pour objectif principal d’instaurer une monnaie centrafricaine échappant au contrôle de la Beac, susceptible de concurrencer ou de supplanter la monnaie légale en vigueur dans la CEMAC et de mettre en péril la stabilité monétaire ».

La Beac

Selon le gouverneur de la Beac, « la consécration par l’Etat centrafricain sur son territoire d’une monnaie officielle autre que celle ayant cours légal dans la CEMAC, est problématique au regard des dispositions communautaires applicables en matière de régime de 1’émission monétaire et de politique monétaire ».

En effet, il précise à la suite que, « la teneur de la loi régissant la cryptomonnaie adoptée en République Centrafricaine peut s’analyser comme une remise en cause des accords de coopération monétaire en vigueur Afrique Centrale. Je souligne en ce sens qu’à l’article 10 de la loi, il est prévu que « tout agent économique est tenu d’accepter les cryptomonnaies comme forme de paiement lorsqu’elles sont proposées pour I’achat et la vente d’un bien ou service “. Cette disposition, dont la violation est sanctionnée pénalement suivant I’article 19 de 1a loi, consacre sans ambiguïté le cours légal et le pouvoir libératoire de la cryptomonnaie en République Centrafricaine, sans considération des attributions et prérogatives de la BEAC, résultant des accords de coopération monétaire ».

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Suite à cette sortie, les économistes ont vite fait de développer des analyses sur la question de cette cryptomonnaie et l’impact qu’elle cause en zone Cemac. En fait, s’agit-il d’une violation ou d’une loi contraire au droit financier de la Communauté économique des États de l’Afrique Centrale ?

Analyse du Dr Willy Zogo

A l’état actuel, comme le soutient le Dr Willy ZOGO, « comment la Commission de Surveillance du Marché Financier de l’Afrique Centrale (COSUMAF) veut intégrer les cryptomonnaies dans l’Appel Public à l’épargne, le droit financier de la CEMAC, sous la régulation de celle-ci n’a pas vocation à encadrer les transactions en cryptomonnaies dans les pays membres ». 

Selon lui, la compétence de la COSUMAF ne concerne que l’épargne publique utilisée ou sollicitée sur les valeurs mobilières et autres titres financiers, les crypto n’en font pas partie en l’état du droit positif – objet financier juridiquement non identifié, et la réforme doit le corriger.

Sur ce point, la RCA de par sa loi sur les crypto ne devrait pas être en conflit de normes. De plus après la réforme du Règlement ministériel du marché financier de la CEMAC et du Règlement général de la COSUMAF, cette loi crypto sera, sans aucun doute, contraire aux conventions de la CEMAC dans la mesure où, en dépit de l’analyse stricto sensu de sa compétence matérielle, la COSUMAF a interdit par communiqué les transactions sur les crypto-actifs en zone CEMAC et donc, y compris en RCA, indique le docteur sur la question.

Pour lui, « l’organe de contrôle ou de régulation des transactions électroniques et de la cryptomonnaie que l’article 13 crée, à savoir l’Agence Nationale de Régulation de Transaction Électronique, va se retrouver en conflit de compétences avec la COSUMAF, elle-même régulateur de la commercialisation et de l’émission en  Initial coin offering ( ICO) qui seront englobés dans l’Appel public à l’épargne ».

Il faut noter que, donner un cours légal et un pouvoir libératoire à un autre signe ou unité monétaire en marge de ce qui a été décidée dans le cadre des dispositions communautaires, notamment des articles 3, 6 et 21 de la convention UMAC, est contraire à la conventionnalité communautaire.

Rappelons que, l’article 44 du Traité CEMAC révisé dispose que les actes adoptés au plan communautaire sont appliqués de plein droit et en dépit des lois contraires antérieures ou postérieures.

Le privilège d’émettre les billets de banques et les monnaies métalliques qui ont cours légal et pouvoir libératoire dans les États de l’Union, consigné également dans les statuts de la BEAC, est assorti d’un certain nombre d’obligations qui constituent les missions fondamentales de la BEAC à savoir : mettre à la disposition des agents économiques les quantités de signes monétaires nécessaires pour effectuer les transactions de toute nature ; garantir les utilisateurs de ces moyens de paiement contre les risques de falsification et de contrefaçon ; assurer une bonne qualité de la circulation des signes monétaires. Il importe ainsi à la RCA de revoir sa démarche.

 

© Afrique54.net |Joël Godjé Mana, Yaoundé

 

 

 


 

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