Dialogue National : Casting tronqué de Dion Nguté pour un fiasco des concertations

L’élite gouvernante actuelle, les militants du Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais veulent museler le bas-peuple en continuant de parler en son nom, dans une atmosphère suffisamment crispée, et où les langues ont besoin de se délier pour un retour à la paix.

 

 

Le président camerounais Paul Biya lors d’une sortie peu ordinaire à la Nation le 10 septembre 2019, a annoncé la tenue d’un Grand Dialogue National inclusif. Une réponse à la demande quasi insistante à la fois des acteurs sociaux nationale, des partis politiques, ainsi que de la communauté internationale.

L’initiative est attendue, son lancement serait imminent. Selon des sources diplomatiques, le président camerounais Paul Biya, peu habitué aux surprises pourrait faire une brève apparition sur le site du côté du Palais des Congrès de Yaoundé. Cadre choisi pour abriter du lundi 30 septembre au vendredi 04 octobre 2019, l’essentiel des travaux de ce rendez-vous qui pourrait marquer un tournant décisif dans la vie de la nation camerounaise. Une manœuvre dénoncée par une partie d’observateurs qui accusent le Premier Ministre de vouloir tronquer la volonté du peuple en consultants des élites qui n’ont quasiment plus de légitimité.

 

Des participants acquis à la cause de Paul Biya

Le Chef de l’Etat camerounais dans son discours à la Nation avait en quelque sorte décliné, les potentiels interlocuteurs de cette rencontre. Depuis le début des consultations, l’on est stupéfait de constater le tri avec lequel le gouvernement conduit par le Premier Ministre choisit ses interlocuteurs. Notamment du côté de la société civile, où des corporations fantoches sont créées. « Je suis étonné de constater que le Premier ministre reçoive l’(UJC) entendu, Union des Journalistes du Cameroun pour parler au nom de la presse. Une organisation dont les activités ont cessées d’être visibles depuis plus de quinze ans. Alors que le (SNJC) Syndicat National des Journalistes du Cameroun, actif, dynamique et représenté dans les dix régions du pays, soit mis de côté. Parceque dit-on, très critique envers le régime de Yaoundé. Vers quel dialogue s’achemine-t-on? » S’exclame ce journaliste rencontré dans la capitale camerounaise.

 

 

L’indignation du SDF

C’est quasiment le même simulacre que l’on observe dans les régions, où au sein des états majors et  délégations, ce sont les mêmes élites contestées, les personnels de l’Etat critiqués, et membres du RDPC, souvent en manque de popularité qui viennent à nouveau parler au nom des communautés. Toute chose qui a poussé le SDF à sortir de sa réserve au travers d’un communiqué. «Le SDF s’indigne et désapprouve les dérapages des gouverneurs des régions qui compromettent le succès du Grand Dialogue National qui… » Bien plus, le Sdf réaffirme sa volonté ferme de contribuer à la réussite de cette rencontre qualifiée d’historique et exhorte la diligence du premier ministre, chef d’orchestre du grand dialogue de «rappeler les gouverneurs à l’ordre et remodeler structurellement les consultations en cours dans les régions dans l’optique d’intégrer toutes les couches politiques, économiques et socioculturelles ».

De l’avis général, les rencontres vont dans l’ensemble se résumer autour de trois points essentiels : la crise anglophone, la forme de l’Etat, et le développement de certaines régions, alors que des poches entières des zones frontalières du pays demeurent sous la coupe des groupes armés. Fait notable, le chef de l’Etat circonscrit le débat, en tentant de l’ouvrir aux autres régions. Pour Eric Chinje, « moi je crois qu’il est question de notre pays que nous aimons tous, personne n’aime ce pays plus que quiconque entre nous les camerounais. Et la question est de savoir quelle est la meilleure solution à nos problèmes. Moi je crois qu’on dois s’asseoir et se parler à cœur ouvert

 

 

Hostilité des syndicats et d’une partie de la société civile

Mais, si l’opposition en dépit de nombreuses conditions posées, est dans de bonnes dispositions, les autres acteurs de la société civile, notamment le Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC) et le mouvement AGIR, ne semblent pas prêts à y prendre part. Tous deux refusent catégoriquement de participer au dialogue en l’état, n’y voyant qu’un moyen pour le pouvoir en place, de distraire le peuple alors que la situation du pays est préoccupante. « Une question reste au cœur même du dialogue national annoncé au Cameroun : celle de la valeur juridique de ces assises. S’agit-il d’un moment de causerie nationale, de consultations comme l’a préconisé la France qui la voit comme de “larges concertations” dont le but dans ce cas serait simplement de collecter des avis permettant au président de la république d’orienter les décisions futures, ou alors serait-il une forme de constituante dont l’objectif serait de mettre à plat la constitution camerounaise?», s’interroge Me Christian Bomo Ntimbane, avocat.

Dans un vent de crises plurielles, de balbutiement politique sous fond de transition à la tête d’un Etat, dirigé de main de fer par un régime en place depuis le 06 novembre 1982. « Compte tenu des diverses crises auxquelles le pays est confronté aujourd’hui, peut-on affirmer avec certitude que Paul Biya entend réellement écouter les Camerounais et répondre efficacement aux besoins de la population ? Ou bien s’agit-il d’un autre stratagème de sa part pour faire plaisir à la communauté internationale afin de se soulager de la pression extérieure, à laquelle il n’a pas été habitué pendant ses 37 années de pouvoir ? Qu’en est-il de la pression interne ? Quand les Camerounais vont-ils enfin se rendre compte que le conflit traîne en longueur et que leur pays est en train de couler, parce qu’ils n’ont pas de gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple et qu’il est grand temps de prendre les choses en mains ? Quoi qu’il en soit, seules les actions parleront plus fort que les mots». Estime le porte-parole du mouvement AGIR, Wanah Immanuel Bumakor. A la tête du pays depuis 37 ans, le chef de l’Etat Paul Biya entretient en effet le mystère sur son avenir, alimentant les spéculations.

Crise dite anglophone : La voix du gouvernement camerounais raisonne aux confins du vide

Un dialogue de sourds

A l’issue du dialogue, les observateurs s’attendent à un remaniement du gouvernement en faveur d’un gouvernement d’union nationale, comme ce fut le cas après la « tripartite » organisée par Paul Biya, fin 1991. A l’époque, il s’agissait de ressouder le pays, très divisé après de longs mois de villes mortes, et envisager le double scrutin contesté de 1992.

Cela suffira-t-il à apaiser les esprits ? « Pour la majorité des Camerounais, Paul Biya peut organiser autant de dialogues et de forums qu’il veut, distribuer des postes, changer de gouvernement, pourvu que l’alternance ait lieu », au risque de « provoquer un soulèvement populaire », prévient un analyste camerounais.

 

 

Mauvais casting opéré par Joseph Dion Nguté

Interrogé par nos confrères de La Voix Des Décideurs, un député de la majorité qui a souhaité conserver l’anonymat se dit convaincu que Paul Biya aménage là sa sortie. Ce n’est pas l’avis d’un diplomate, également désireux de protéger son identité, qui mise, lui, sur une modification constitutionnelle, avec un nouvel échec de dialogue. Puisque le Premier ministre et son gouvernement ont tôt fait de soigneusement choisir leurs interlocuteurs, au milieu de l’administration et du parti au pouvoir.

Les voix qui se sont fait attendre dans la diaspora et dans certaines représentations diplomatiques à l’étranger contre ce projet en l’état, inquiètent Yaoundé. Beaucoup ont encore en tête les événements des villes mortes de 1991, et  de la répression de marches contre la faim qui a fait plusieurs dizaines de victimes.

Par Thierry Ebaǀ Afrique-54.com

 

 

 

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