Faire une campagne présidentielle ne s’improvise pas, il faut une connaissance approfondie du pays, une rencontre avec les populations des villes, des campagnes, surtout celle des campagnes. Il  faut une bonne conviction et des stratégies, une grande disponibilité du caractère, une grande culture politique, une ambiance des compétents, une certaine rhétorique, une vision, un projet suffisamment élaboré, fort et le sens de l’histoire. Il faut ouvrir sa poitrine pour encaisser et donner des coups au bon moment. Qui détient ces critères parmi les 8 opposants ? Aucun.

Devenir président de la république du Cameroun n’est pas donné à tout le monde, cela demande beaucoup de Vertus, la première est la dignité, le sens de l’honneur en passant par un charisme façonné ; je ne vois pas. Qui parmi les candidats a appelé un jeune où un paysan lorsqu’il élaborait son projet social ?

Chez nos candidats, la pensée unique prend un relief particulier ; le leader du parti est le plus intelligent, le plus présent, c’est lui qui s’exprime partout en dehors de lui, personne d’autre n’est capable de le faire. Le président du parti veut être partout et maître de tous les discours, les camerounais regretteront longtemps les personnalités comme, Bernard Fonlon, Thomas Melone, Henri Hogbe Nleng, Woungly Massaga, Kontchou, Charly Gabriel M’bock. Ils ont été des maîtres à penser.

Depuis que les partis sont en campagne, aucun geste fort qui attire l’estime des votants, excepté Kamto avec son fameux penalty ; la campagne électorale est un art. Il faut avoir une conviction solide et faire preuve d’imagination. Les seuls grands débats décisifs sont venus des personnalités civiles avec Owona Nguini et Edzoa Titus et tout récemment Albert Nzongang. Voilà les vrais totems de la lignée ! Et pourtant,- ils ne sont pas candidats.

On ne parle pas d’écologie, de sécurité de la population, on ne parle pas de l’eau, on ne parle pas de vie, on ne s’interroge pas pourquoi les hommes meurent tous les jours. On ne part pas dans les campagnes, les coins retirés, on reste en ville. Au moins dans les chefs-lieux de districts, il faut y aller car, les 70% de la population camerounaise sont paysannes. On attendait que les candidats prônent un nouvel humanisme avec des termes éloquents, mais je suis déçu. Ça se voit que l’opposition camerounaise est une opposition de loisir, il n’y aura pas de miracle.

D’ailleurs à voir ces candidats, si l’un d’eux arrivait au pouvoir, la dictature sera féroce, pareille à celle de l’enfer. Les élections se gagnent dans les campagnes, pas dans les villes, la ville est une population sans véritable électorat. Par ailleurs, on remarque que c’est à la veille des élections qu’on cherche le budget de campagne. Il y a chez les opposants une incapacité à organiser une campagne moderne parce qu’ils ne connaissent pas. Il leur manque une synchronisation des idées pour les faire pénétrer dans l’esprit des électeurs, ce que je pourrai appeler une synergie in- différentielle.

En allant en rang dispersé, l’opposition démontre qu’elle ne peut pas défendre l’intérêt général, c’est l’échec qui est assuré. Il y a comme une infirmité intellectuelle dans la vie politique camerounaise. Aucun candidat ne veut se sacrifier pour la patrie. Aller à Mbouda s’exhiber ne signifie rien du tout. Il manque de romantisme à la Jean Jacques Ekindi des années 90. L’élection présidentielle évolue avec son génie, c’est une campagne qui reste volatile. La communication électorale n’est efficace que lorsqu’on peut commenter un mot fort ou une pensée forte au lendemain de la prise de parole. Il n’y a pas de véritable opposant. Beaucoup ne comprennent pas que Maurice Kamto était venu barrer la voie au SDF, après son échec à la Haye, la seule chose qu’on lui demanda, était d’animer l’opposition.

Tout sera aussitôt fait, pour que son cabinet gagne un marché afin de s’assurer son autonomie financière. Ce fut son effort de guerre. Mais la percée fulgurante de ce dernier a poussé le pouvoir à chercher une autre personne pour barrer cette hégémonie.

Ce sera Kabral Libii, le vieillard de 20 ans. Ce dernier, obnubilé par les rêves qu’il se fait depuis l’enfance prend l’affaire au sérieux et croit qu’il peut gagner. C’est mal connaitre le Cameroun. Ce jeune parle, il dit tout, tout ce qui lui vient à l’esprit, aucun discernement, avec une intelligence plus vaste que la mer, il veut un débat avec Dieu le père. Il va de maladresse en maladresse sur les plateaux télé, aucune culture politique, et comme les jeunes aiment ceux qui parlent beaucoup même si c’est incohérent, on croit qu’il est bon. Un petit pouvoir au sein de son parti l’a rendu fou, à plus forte raison, un plus grand.

Pour Akere Mouna c’est le vrai candidat du peuple, qui a montré son patriotisme, mais le regret que j’ai pour lui c’est de jouer à l’opportunisme et profiter du malaise anglophone pour se positionner. Il manque un peu de courage dans cette élection présidentielle.

Pendant ce temps Paul Biya est tranquille avec son arrogance habituelle. Cette tendance à sous-estimer ses adversaires c’est ça qui tue le Cameroun. Se croire qu’on est le plus beau, le plus intelligent ne permet pas d’accéder aux valeurs éthiques du changement.

Pr Maurice Kamto, candidat à la présidentielle camerounaise 2018

Avec son âge, il reste à l’affut, il fait de l’âge un atout, il est sans complexe, sans tabou sans inhibition, il a toutes les couleurs avec lui, sa principale force, l’arrière-pays, et ses 70% de la population. Voilà son électorat naturel, qui a d’ailleurs augmenté et qui assure sa victoire certaine. Il a besoin de beaucoup de temps pour comprendre et analyser une situation. Il a laissé le problème anglophone s’empirer exprès pour éradiquer définitivement cette gangrène qui ronge le Cameroun depuis 1918. La même stratégie utilisée lors des villes mortes. Qui peut encore parler des villes mortes aujourd’hui ? L’opposition en allant en rang dispersé, s’est mise dans une situation de non contestation de résultat.

Paul Biya réussira une fois de plus à ébranler les entrailles de cette opposition égarée, parce qu’il est l’héritier positif d’une élection présidentielle devant des candidats moribonds. Il est dans l’inconscient collectif des camerounais qui ont peur des mains inexpérimentées. Et son entourage exploite les tares et les failles de ceux-ci. Les choses essentielles se répètent comme en 92 ; après ce sera tout. Le Cameroun vivra avec les mêmes vieillards qui auront à sa tête 20 ans de plus sur 80 ans.

 

Une Chronique de Calvin Djouari, Ecrivain camerounais

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