Reconnaissance russe des régions séparatistes ukrainiennes: Un dangereux précédent pour l’Afrique et le Cameroun

Tribune Libre – Le silence de l’UA est incompréhensible. L’absence de condamnations des pays africains relèvent de l’inconséquence. Plus de 48 h après le discours de Vladimir Poutine, dans lequel il annonce la reconnaissance, par son pays, du Donbass et du Donieks, silence radio en Afrique.
Or, pas besoin d’être devin pour affirmer que ce qui se joue, en ce moment, en Europe de l’Est aura des répercussions, d’une façon ou d’une autre, sur le destin de l’Afrique.
 Qu’une vieille puissance comme la Russie, avec un siège permanent et un droit de veto au Conseil de sécurité, en arrive, pour des raisons de positionnement face à l’OTAN, à donner son onction aux régions issues d’une sécession est d’autant plus inquiétant pour l’avenir qu’est grand le risque d’un effet boule de neige dans le monde. Surtout en Afrique où pullulent des groupuscules séparatistes.
 Au Cameroun, au Sénégal, en Angola, en Éthiopie, au Nigeria, au Mali… des groupes armés  revendiquent leur indépendance ou l’instauration de califats. Avec le précédent russe, le pire est à  craindre. Il sera plus facile aujourd’hui pour un dirigeant belliqueux, voulant détourner l’attention de son peuple des vrais problèmes du quotidien, de soutenir voire de reconnaître des territoires sécessionnistes, avec pour prétexte officiel qu’une bonne franche de ses concitoyens y vivent.
 Poutine l’a fait et qui l’a obligé à rendre gorge! Voilà le nouveau leitmotiv des potentats d’Afrique qui se mettront à parrainer des mouvements sécessionnistes dans les Etats voisins, avec le bel argument de réunir des peuples arbitrairement séparés pas des frontières coloniales. Ou de reconstituer les empires d’antan. Bonjour les dégâts!

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 Désormais, tout sera bon et même justifié pour flatter l’ego des peuples. “Nous devons reconquérir nos territoires d’avant la colonisation et retrouver notre grandeur du passé”, ne manqueront pas de promettre les Poutine d’Afrique à une foule en liesse. Le défi du continent c’est l’agriculture et non les aventures à la Don Guichotte.
 Il y a lieu de craindre une sérieuse remise en cause du sacro Saint principe de l’intangibilité des frontières héritées de la colonisation.
 Pourtant ce dogme, cher à l’OUA puis l’UA, a permis de réduire les conflits frontaliers et de rendre pratiquement sans issue les revendications sécessionnistes sur le continent.
La Russie vient de rendre un mauvais service à  l’Afrique et à ses populations, qui rêvent majoritairement de sécurité alimentaire, de formation ou d’emploi.
Se taire revient à s’exposer à une condamnation lourde devant le tribunal de l’histoire. Moi africain, je condamne.
J’invite l’UA à dénoncer fermement la reconnaissance des régions séparatistes ukrainiennes par la Russie, puis à engager ses Etats-membres à prendre, individuellement ou collectivement,  des sanctions contre Moscou, tant que l’intégrité territoriale de l’Ukraine n’est pas rétablie.
Si un pays africain se tait aujourd’hui, demain sa voix sera inaudible quand plus puissant que lui reconnaîtra la partition de son territoire.
 Ce qui arrive chez l’autre peut arriver chez vous. C’est maintenant ou jamais, car nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude.
Thomas Sankara disait: “L’esclave qui n’est pas capable d’assumer sa révolte ne mérite pas que l’on s’apitoie sur son sort. Cet esclave répondra seul de son malheur s’il se fait des illusions sur la condescendance suspecte d’un maître qui prétend l’affranchir. Seule la lutte libère.”

Par Thierry Djoussi
Président de l’Association des journalistes camerounais pour l’agriculture et le développement (AJAD)
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