Richard Evina Obam , L’ex double chancelier des Caisses

Haut commis de l’État, il était à la fois préposé du conte de la dette, des dépôts et des consignations du Cameroun. A la base de la confiance présidentielle, la bonne compréhension  par l’inspecteur principal des impôts des enjeux actuels de l’économie du pays.

 

 

Afrique54.net | Pour remplacer Dieudonné Evou Mekou à la tête de la Caisse autonome d’amortissement (CAA), Paul Biya a dû se creuser la tête avant de jeter son dévolu sur  Richard Evina Obam le 8 juin 2017.  En date du 20 janvier 2023, le chef de l’État a signé trois décrets portant nomination du top management à la Caisse de dépôts et consignation (CDC). Richard Evina Obam l’ancien Directeur général de la Caisse autonome d’amortissement (CAA) a été nommé au poste de Directeur général de cette structure. En analysant le choix de Paul Biya sous l’angle de la méthode, l’on dira qu’il articule les dimensions conjointement explicatives des performances de Richard Evina Obam à la CAA  d’une part, et de la politique de la continuité.

 

 

 

Ce 20 janvier 2023, une fois encore, la trame des discussions publiques etait à la fois structuré par des systèmes d’acquiescements et  d’oppositions entre les diverses postures défendues par les acteurs sociaux, lesquels font valoir leurs légitimités respectives et leurs arguments. En tout cas, lui qui concentre le pouvoir légitime de reconnaissance et de marquage des talents, le chef de l’État distingue Richard Evina Obam. La genèse de l’ascension  de ce dernier peut s’étudier comme un cas de « génération spontanée » du talent. Resituée dans un parcours individuel, la nomination de Richard Evina Obam montre bien un fin connaisseur de finances publiques.

Inspecteur principal des Impôts, Richard Evina Obam etait là pour éclairer plusieurs problématiques. La première : D’après une certaine opinion locale, la dette publique repose sur un mensonge : elle ne vient pas d’une orgie de dépenses publiques mais de l’érosion organisée des recettes fiscales : les niches et les cadeaux consentis aux plus riches et aux grandes entreprises se sont multipliés. Cette dette est donc largement illégitime. Affolés par l’envolée des dettes publiques, les marchés financiers se sont alors mis à spéculer contre l’État du Cameroun. La seconde : En voulant leur faire payer la crise financière, le gouvernement camerounais  enfonce ses citoyens dans la récession et sacrifie les investissements vitaux.

 

 

Recette

Depuis, par rapport à ces controverses, ce haut commis de l’État mise sur une nouveau branding au profit de la CAA. L’homme sait que  la dette publique (comme sujet) est publique. Et parce qu’elle a été contractée par l’État et des entités qui lui sont liées, mais elle l’est aussi au sens où, loin d’être cachée ou ignorée, elle est connue de tous, elle constitue un objet de préoccupation dans ce qui est ordinairement appelé l’espace public. La manière dont le problème de la dette s’est installé au Cameroun, ces dernières années, dans le monde politico-médiatique donne à justifier la nouvelle démarche promu par l’actuel patron de la CAA. Dans la nouvelle communication impulsée par Richard Evina Obam, la question de la dette du Cameroun, quoi qu’on en dise parfois, ne peut pas être regardée comme un fait brut. Elle n’existe pas seulement sous la forme matérielle de titres de créances mais aussi symboliquement dans les discours politiques qui la prennent pour objet et qui, exprimant « le problème » et sa gravité, contribuent aussi à le façonner et à lui donner une forme spécifique.

Idées 

Impulsée par Richard Evina Obam, la même communication s’attache à avoir recours à des indicateurs moins techniques ; ceux qui aux yeux du grand public évoquent les effets de l’endettement sur le Cameroun. De ce fait, il apparaît nécessaire pour le DG de la CAA de produire des indicateurs supplémentaires dont la vocation sera de juger de l’impact socio-économique de l’endettement et de mettre à jour la charge effective que représente la dette sur le développement  du pays. Sur ce plan, l’on peut prendre acte de l’efficacité de la boucle enchantée les Notes de conjonctures produites mensuellement par la CAA.

Dans l’une des éditions datant de juillet 2022 par exemple, l’on apprend que le gouvernement camerounais projette un apurement de  47,5 milliards de FCFA de sa dette à fin novembre 2022. Cette enveloppe globale est répartie entre le service de la dette extérieure (19,3 milliards) et celui de la dette intérieure (28,2 milliards). Sur le premier compartiment, la CAA révèle que cet argent sera réparti entre les partenaires multilatéraux (7,5 milliards), bilatéraux (2,2 milliards) et commerciaux (9,6 milliards). Ailleurs, l’on peut lire : « Ce service concerne la dette structurée (27,4 milliards FCFA) et celle non structurée (0,8 milliard). De manière plus explicite, la dette structurée consiste à regrouper des actifs qui seront ensuite cédés à des investisseurs. En contrepartie de l’achat de cette dette de “seconde main”, ces investisseurs recevront un revenu fondé sur les flux de revenus générés par les actifs cédés (par exemple, le remboursement progressif des crédits).

 

 

 

Pour ce qui est de la dette structurée bancaire, 15,2 milliards seront remboursés à Banque Atlantique Cameroun dans le cadre du Planut (Plan d’Urgence Triennal pour l’accélération de la Croissance Économique). Il s’agit d’un apurement partiel d’un emprunt de 190 milliards contracté par l’État auprès de cette banque. De son côté, la dette structurée non bancaire sera soldée à hauteur de 12,2 milliards, soient 7,8 milliards au titre de la dette titrisée ; 4,4 milliards (dette non titrisée) ; 3,5 milliards dette auprès des entreprises publiques et parapubliques (1,5 milliard Camwater et 2 milliards Sonatrel) et 0,9 milliards pour les autres conventions.

Par ailleurs, 0,8 milliard sera alloué au règlement de la dette non structurée ». Si la Note de Conjoncture de laquelle est tiré cet extrait ne comporte pas de « révélation fracassante », elle se caractérise par une lecture spécifique de la dette du Cameroun. Cette interprétation réside dans une analyse « sans concession » du gonflement de la dette, lequel est imputé à une « culture de la dépense publique » à laquelle il s’agirait de mettre un terme. Bien auparavant, l’on avait une vue claire sur les « Soldes engagés non décaissés » (SEND’s).

À fin juin 2022, au cours d’une interview à la CRTV, Richard Evina Obam chiffrait la valeur des SEND’s à 3 746,9 milliards de FCFA (hors appuis budgétaires). Ces SEND’s sont liées à 57,7% aux conventions de financements signées avec les bailleurs de fonds multilatéraux, dont 1 064,9 milliards de FCFA à décaisser auprès de la Banque mondiale (soit 49,3% des SEND’s multilatéraux) ; 25,1% à la coopération bilatérale, dont 638,8 milliards de FCFA à décaisser auprès de la Chine (soit 68,0% des SEND’s bilatéraux) ; et 18,6% des prêts signés avec les partenaires commerciaux, dont 189,4 milliards de FCFA à décaisser auprès de ICBC de Chine (27,2% des SEND’s commerciaux).

De là à comprendre une chose : En posture de chancelier, Richard Evina Obam contrôle « strictement », du fait de sa responsabilité devant le pays tout entier, à tel point qu’il n’y a pas de dette qui puisse être sollicitée, ni contractée sans lui.

Loin de se cantonner à la gestion de la trésorerie, les outils dont il dispose à la tête de la CAA permettent à l’État de jouer un important rôle de régulateur des quantités de monnaie et de crédit en circulation. Et dans en sens, Richard Evina Obam a fait sienne l’idée selon laquelle la construction de la dette en problème public ne peut être séparée des luttes idéologiques où s’affrontent des discours politiques qui correspondent à des façons différentes de voir le monde (et notamment la « réalité économique ») et en appellent, chacun, à des politiques conformes à leurs « diagnostics ».

 

 

Dans une sortie, à Promote 2022, Richard Evina Obam a fait savoir une nuance : « La solvabilité représente le fait, pour un débiteur, d’avoir les moyens de payer ses créanciers. La soutenabilité implique de prendre en compte son impact sur le bien-être des populations des pays endettés, donc d’avoir une approche plus équilibrée considérant également les intérêts des débiteurs. Concrètement, il apparaît que les indicateurs d’endettement existant ont pour vocation d’être des indicateurs de la capacité des pays à assurer le remboursement de la dette, soit par la richesse qu’ils génèrent (PIB ou PNB), soit plus directement par la part de celle-ci permettant de générer des devises transférables (le montant des exportations)».

 

© Afrique54.net | Yolande Angoula

 

 

 

 

 

 

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