Contrat de désendettement et de développement ou la supercherie à la Française

► Pour permettre au Cameroun d’éponger sa dette, la France met sur pied le Contrat de désendettement et de développement. Un programme qui pour bon nombre de Camerounais est une initiative pour s’ingérer  et contrôler encore plus les actions du gouvernement camerounais.

 

 

Afrique54.net – C2D AFOP, Santé, Travaux publics et bien d’autres encore sont les nombreuses attaches qui lient les institutions camerounaises au « lourd » contrat de désendettement signé avec la France. « Un cadeau empoisonné, qui enfonce de plus en plus le pays dans le néocolonialisme. Et continue à impliquer la France aux affaires internes du pays au travers des entreprises, ministères et projets de développement », précise Louis KAMGUE KENYE, économiste, spécialiste en ingénierie économique et financière. En effet, pour bien comprendre ce contrat, la rédaction se tourne vers plusieurs analyses et commentaires signés par des confrères camerounais et des spécialistes de la question biens et développement en Afrique.

Depuis les années 60, l’Agence Française de Développement (AFD) s’est vantée de « soutenir » le développement économique du Cameroun, via le secteur de la banane dans les années 80, celui du caoutchouc dans les années 90… En 2005, ce soutien s’est transformé en un « refinancement par don », à travers le Contrat de Désendettement et de Développement (C2D). Selon ce contrat, la France reverse directement les sommes remboursées (au titre de la dette) dans des projets de « développement ». Se targuant ainsi de contribuer au développement du pays. Or la réalité est bien différente : d’une part, c’est l’AFD qui choisit les secteurs ciblés par les programmes du C2d. Par conséquent, les projets s’accordent inévitablement avec les intérêts de l’ancienne métropole.

Enfin, l’Afd surveille constamment les projets menés et peut s’opposer à une décision prise par les autorités camerounaises grâce à « l’avis de non objection ». Autrement dit, une décision validée par le gouvernement camerounais peut être annulée par l’Agence Française de Développement. Ce déni de souveraineté flagrant permet ainsi à l’Etat français de maintenir sa domination économique et politique sur le Cameroun.Au vu de tout cela, il est clair qu’il s’agit d’un contrat de domination, et non d’aide d’allégement.

Quelques chiffres

La dette extérieure du Cameroun est de 3,672 milliards de dollars en 2012 et le remboursement des intérêts et du capital est de 234 millions en 2013. Avec le C2D, le Cameroun continue de rembourser la France qui reverse la somme reçue dans des projets ciblés de développement au Cameroun. Ce système est contrôlé par  l’AFD qui suit les orientations du Document de stratégie pour la réduction de la pauvreté (DSRP). Sur la période 2006-2016, plus de 800 millions d’euros ont été injecté dans des projets focalisés dans les secteurs dits prioritaires : éducation, santé, agriculture, développement urbain, etc.

Un contrat d’asservissement

Le C2D est présenté comme la promotion d’un dialogue constructif entre les autorités françaises et camerounaises ainsi qu’entre les deux sociétés civiles. Mais comme le soulignait Jean-Marc BIKOKO, président de la Centrale Syndicale du secteur public, en 1999, la mise en place des DSRP au Cameroun devait recevoir un large appui de l’opinion publique. Or, ces projets ne correspondaient pas aux besoins réels des populations. Aujourd’hui, on constate que ces DSRP sont un échec puisque la pauvreté s’est aggravée en alimentant la dette publique. Si, comme le signale le syndicaliste, les organisations de la société civile occupent une place au sein des comités d’organisation et de suivi des programmes, dans les faits, ce sont bien les autorités françaises qui, à travers l’Afd, gardent la mainmise sur le choix et le déroulement des projets. A travers son « avis de non-objection », l’AFD possède un droit de veto sur tous les projets C2D. Ainsi, le pouvoir décisionnel de l’agence française subordonne celui du gouvernement camerounais, et nie par là même la souveraineté des peuples.

Le programme français endette encore plus

Selon l’AFD, pour prétendre aux marchés C2D, toute entreprise soumissionnaire devrait rassurer le maître d’ouvrage sur sa capacité à respecter ses engagements en produisant des garanties sur ses moyens financiers humains et matériels. Mais les règles fixées sont telles qu’elles éliminent de fait toutes les entreprises camerounaises. « Mieux, ce règlement particulier est une violation flagrante des lois de la République, notamment les dispositions légales sur le régime d’octroi des marchés publics au Cameroun ».

  Ainsi, la France, qui « reste l’un des premiers investisseurs étrangers au Cameroun avec une centaine de filiales employant quelque 30 000 personnes et plus de 200 entreprises appartenant à des ressortissants français dans tous les secteurs d’activité » , assure ses marchés. En 2006, le président de la Commission Indépendante contre la Discrimination et la Corruption (CICDC) soulignait que « les financements passés des infrastructures, qui constituent aujourd’hui le gros de la dette censée être annulée, prouvent que notre pays a payé trop cher, souvent le triple du coût réel des travaux réalisés ».

Sur ce point Jean-Marc BIKOKO cite l’exemple de la construction de la SONARA, la raffinerie de pétrole, qui a alourdi la dette publique sans rien apporter à la population. Techniquement la SONARA ne peut pas raffiner le pétrole lourd produit au Cameroun ! Il faut donc importer le pétrole que la SONARA raffine. Ce qui est le comble pour un pays producteur. Selon un rapport de la CICDC, 70 % de la dette camerounaise « a été généré par les grands travaux d’infrastructures réalisés par des entreprises étrangères dans des conditions de manipulation et d’ententes illicites ». Les C2d s’inscrivent pleinement dans la logique de l’aide liée, mécanisme dont les effets dévastateurs pour les pays du Sud sont désormais connus.

La notion du développement

Derrière les effets d’annonces, il n’y a donc rien à attendre de réjouissant de ces contrats. La clé se trouve ailleurs : il s’agit de rompre radicalement avec ce système. Il est essentiel de sortir de la logique du développement et de le combattre car il incarne la domination coloniale et constitue un puissant outil de la Françafrique. Comme le rappelait l’historien burkinabè Joseph Ki-Zerbot « On ne développe pas, on se développe ».

Pour que le peuple camerounais retrouve sa souveraineté, il est essentiel qu’il refuse de payer les dettes qu’on lui réclame. La dette camerounaise est en très grande partie odieuse car elle n’a pas servi les intérêts de la population mais ceux des multinationales étrangères et des nantis camerounais avec la complicité des dirigeants français.

« Si les Camerounais doivent se mobiliser pour refuser le paiement de la dette, nous devons en France agir en solidarité avec eux et exiger l’annulation des créances françaises à l’égard du Cameroun et l’abandon des politiques françafricaines », indique un leader panafricaniste.

 

© Afrique54.net │Joël Godjé Mana, depuis Yaoundé

 

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